Saint Michel, gardien de la Croix

Publié le par Clément LECUYER

Extrait de L'Ange Gardien, j uin 1896 :


 

Saint Michel est le céleste gardien de la Croix, signe sacré de notre Rédemption, de nos espérances éternelles et de notre force contre les puissances du mal. Aussi, malgré ses ennemis et ses profanateurs, la croix du Sauveur surmonte-t-elle encore le diadème des puissants de ce monde et la coupole de nos temples ; c'est elle qu'on attache sur la poitrine des braves et qu'on dresse sur les tombes ; c'est elle que l'on voit non seulement dans nos églises, mais dans toutes les familles au foyer desquelles il est resté un rayon de la foi du baptême et de la première communion ; c'est elle qui plane encore victorieuse sur nos villes et nos bourgades, dans nos plaines et au sommet de nos montagnes. O Crux, ave ! O Croix, joie et consolation du chrétien, garde-nous et protège-nous toujours !


Saint Michel, prince des milices angéliques, pourrait-il ne pas être le protecteur spécial de la croix, lui qui, selon les docteurs et les interprètes des saints Évangiles, recueillait avec amour le sang précieux qui jaillissait du Calvaire, et l'offrait à Dieu conjointement avec Jésus et Marie pour le salut du genre humain ?


Depuis le jour où il a arboré au ciel l'étendard de la foi et de l'obéissance, en arrachant à Lucifer celui de la révolte, il en est l'invincible et glorieux dépositaire. C'est le sentiment de l'Eglise qui, dans ses prières, donne le nom de Porte-drapeau à l'Archange et chante : « Pendant que des milliers d'Anges forment une couronne de chefs et de combattants autour de Notre-Seigneur, saint Michel déploie l'étendard de la Croix, et en fait resplendir au loin la souveraine majesté. »


Aussi quand, à l'aurore de l'Eglise, il apparut à Constantin, ce fut à travers les rayons d'une croix éblouissante portant ces mots : Tu vaincras par ce signe. C'est de la même manière qu'il se montrera plus tard à saint François d'Assise, sur le mont Alverne, en Italie, lorsqu'il imprimera dans sa chair les stigmates du Sauveur ; aux Portugais, dans un combat contre les Maures, au XII° siècle ; et à la pieuse bergère de Domrémy, lui ordonnant d'aller sauver la France humiliée, ensanglantée, par les discordes civiles et sous le joug de l'étranger.


Après ces preuves historiques de la prédilection de saint Michel pour la croix, pourquoi ne serait-il pas permis de croire à cette gracieuse et populaire légende ? Partout, dit-elle, où la piété élève une croix, soit sur le pinacle d'un édifice ou sur une place publique, soit au bord du chemin, au fond d'une vallée, ou au sommet d'une montagne, surtout si cette croix a reçu les bénédictions de l'Église, saint Michel place aussitôt autour d'elle une garde d'Anges protecteurs. Oh ! combien coupables, ceux qui enlèvent le crucifix de l'école, brisent la croix des carrefours et ne veulent pas même la voir sur la porte des cimetières !


Ce rôle tutélaire de saint Michel pour la Croix durera jusqu'au jour où, précédant Notre-Seigneur à son dernier avènement, il prendra et portera majestueusement ce trophée de l'amour de Dieu, pour l'offrir en spectacle à toute la création tremblante et renouvelée.


Ce sera le solennel et définitif triomphe, entrevu par saint Jean et ainsi célébré par l'Archange : « C'est maintenant le salut, le règne de Dieu, et la puissance de son Christ dans les siècles des siècles. »
Dans l'attente de ce grand jour, ô mon Dieu, qu'il doit en coûter à votre séraphique mandataire, lorsque votre miséricordieuse patience force son glaive vengeur à rester immobile, pendant que des mains sacrilèges, pétries de boue et de sang, osent souiller, briser, profaner votre divine Croix !


Mais aussi quelle joie nous donnons à saint Michel, lorsque nous la pressons tendrement sur nos lèvres, la saluons avec respect et en traçons le signe auguste sur notre front ou sur notre poitrine ! Cette joie de l'Archange sera encore plus grande quand, les jour d'erreur et d'impiété ayant disparu, on entourera 1a croix, dans notre France, d'honneurs publics, comme aux siècles de foi. Alors ceux qui l'avaient oubliée et méconnue uniront leurs voix à celles du peuple resté fidèle, pour l'acclamer et la bénir ; alors l'Église chantera avec allégresse ces paroles de l'hymne du Prince des Anges : Saint Michel arbore en triomphe la croix symbole de la victoire. C'est lui qui a écrasé la tête du cruel dragon et l'a précipité au fond de l'enfer, et du haut de la cité céleste foudroie Satan avec tous ses satellites.


O Croix bien-aimée, reste sur mon cœur pour compter ses pulsations et les diriger vers le Ciel ! Sois mon guide, mon défenseur, ma consolation, et prêche-moi toujours l'immense amour de mon Dieu !

> Extrait de "L'Ange Gardien" n° 2, Juin 1896, pp.39-42.