Réfutation concernant la supposée usurpation d'autorité de la position "sédévacantiste"

Publié le par Clément LECUYER

Il n'est pas rare d'entendre des "traditionalistes" soutenir, contre la position sédévacantiste, l'objection suivante : "Ceux qui affirment que le Saint-Siège est vacant ou occupé s'attribuent une autorité qui ne leur appartient pas."

Afin de mettre fin à cette fausse idée malheureusement largement répandue , nous publions ci-dessous une réfutation - que nous nous sommes autorisés à légèrement retoucher et compléter - rédigée par un ami lecteur que nous remercions vivement.

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Sede Vacante

  Évidemment, ce n'est pas à des membres de l'Eglise enseignée de prétendre constater publiquement, avec toute l'autorité requise, la vacance du Saint-Siège. Mais attribuer une telle prétention aux dits "sédévacantistes" relève au moins de l'ignorance la plus crasse (lors même que l'on entend disserter sur le dos desdits "sédévacantistes" !) et au pire de la malhonnêteté la plus criante.  

 Les "sédévacantistes" n'entendent que constater - d'une constatation qui est un jugement privé - qu'aucun des "papes de Vatican II" ne peut être pape en réalité et devant Dieu, car ce que font les "papes de Vatican II", aucun pape ne peut le faire : ni promulguer les Constitutions, Décrets et Déclarations de Vatican II et en maintenir les enseignements qui s'opposent à des jugements du magistère infaillible, ni promulguer et maintenir la "nouvelle messe" qui s'oppose "en général et dans le détail" à l'enseignement du Concile de Trente.

  Ces mêmes "sédévacantistes" n'entendent pas se substituer à ceux qui ont pouvoir sur l'élection et encore moins à l'Eglise enseignante pour porter un jugement autorisé et public sur les "papes de Vatican II", mais porter tout au plus un jugement privé dans ce domaine.  

  Un tel jugement privé est-il légitime ? Peut-on légitimement porter un jugement privé sur la légitimité de tel ou tel pontife (en attendant un jugement public de l'Eglise enseignante) ?  

  Mais qu'ont fait les saints ? Qu'a fait par exemple saint Bernard lorsqu'il s'est prononcé (à raison) contre la légitimité d'Anaclet II, sinon porter (certes publiquement) un jugement privé (c'est-à-dire un jugement qui de soi ne faisait pas autorité dans l'Eglise) ? Qu'ont fait les saints du "Grand Schisme d'Occident" ? Sainte Catherine de Sienne en faveur d'Urbain VI (et avec quelle véhémence !), saint Vincent Ferrier en faveur de Benoît XIII (puis contre ce même Benoît XIII, mais sans renier la légitimité d'origine de Benoît XIII) ? Et ce ne furent pas seulement les saints, mais la plupart des évêques, pères abbés, curés et chanoines (parfois en sens contraire de leur évêque) qui se prononcèrent sur la légitimité de l'obédience urbaniste, de l'obédience clémentiste, ou de l'obédience pisane... avant que l'Eglise enseignante, finalement, ne se prononce avec autorité que sur l'état des choses en 1417, laissant chacun libre de ses opinions concernant la période 1378-1417. Tous les membres de l'Eglise (parmi lesquels des saints) auraient-ils pu avoir tort de se prononcer d'un jugement privé (ou d'un jugement public douteux, ce qui revient au même) sur la question de la légitimité du (des) pontife(s) durant tout ce laps de temps ?  

 Les catholiques ont-ils attendu la sentence canonique de l'Eglise pour dénoncer les hérésies de Luther et refuser de le reconnaître comme catholique, du fait de son rejet répété, pertinace et public de vérités dogmatiques enseignées par l'Eglise catholique ? Non.

 Doit-on rappeler quelle fut l'attitude des prêtres et laïcs de Constantinople quand leur patriarche Nestorius a commencé à leur enseigner avec pertinacité que la Sainte Vierge n’était pas la Mère de Dieu ? Ils ont dès ce moment cessé de le reconnaître comme Pasteur légitime et ont refuser de le nommer au canon de la messe – non una cum ! ;  l’Église, qui a excommunié Nestorius plusieurs années après, le début des faits, ne leur en a fait aucun reproche, bien au contraire, elle a canonisé au moins l’un d’entre eux, saint Hypace.

  Que ce jugement privé puisse être faux de fait (c'est-à-dire dénier la papauté à qui est réellement pape) ne change rien à la chose : de droit, il peut être légitime de porter un tel jugement privé. Citons ici Don Felix Sarda y Salavany :

« L’Église seule possède le magistère doctrinal suprême en fait et en droit, juris et factis ; son autorité souveraine est personnifiée dans le Pape. À lui seul appartient le droit de prononcer la sentence finale, décisive et solennelle. Cela n’exclut cependant pasd’autres jugements moins autorisés, mais d’un grand poids, que l’on ne saurait mépriser et qui doivent même lier la conscience chrétienne.Ce sont : 

       5. le jugement de la simple raison humaine dûment éclairée.

  Oui, la raison humaine occupe – pour parler à la manière des théologiens – une place théologique dans l’ordre de la religion. La foi domine certes la raison, qui doit lui être subordonnée en tout. Mais il est entièrement faux de dire que la raison ne peut rien faire dans l’ordre de la foi, qu’elle n’a aucune fonction à y remplir ; il est faux de dire que la lumière inférieure, placée par Dieu dans la compréhension humaine, ne peut pas briller du tout sous prétexte qu’elle ne brille pas avec la même puissance et la même clarté que la lumière supérieure. Oui, il est permis et même commandéaux fidèles d’indiquer la raison de leur foi, de tirer les conséquences de celle-ci, de lui trouver des applications, d’en tirer des parallèles et des analogies.Ainsi est-ce par l’usage de leur raison queles fidèles ont le droit d’évaluer et de discuter l’orthodoxie de toute nouvelle doctrine qui leur est présentée en comparant cette dernière à une doctrine déjà définie. Si la nouvelle doctrine n’est pas conforme à l’ancienne, ils peuvent la combattre comme étant mauvaise et stigmatiser à juste titre comme étant mauvais le livre ou le journal qui la soutient. Il ne peuvent évidemment la définir ex cathedra, mais il leur est loisible de la tenir pour perverse et de la dénoncer comme telle, de jeter un cri d’alarme, de mettre en garde contre elle et de lui porter le premier coup.Le laïc fidèle a la faculté de faire tout cela, et il l’a d’ailleurs fait à toutes époques sous les applaudissements de l’Église. Ce faisant, il ne s’érige nullement en pasteur du troupeau, et pas même en son humble second ; il se borne à lui servir de chien de garde chargé de donné l’alarme. Opportet allatrare canes : « Il faut que les chiens aboient », a dit fort opportunément un grand évêque espagnol à propos de ces questions. » (Don Felix Sarda y Salavany, Le Libéralisme est un Péché)

  S'il n'est donc pas donné à de simples membres de l'Eglise (considérés de ce seul point de vue) de se prononcer d'un jugement public et autorisé (c'est-à-dire faisant autorité) sur la légitimité d'un sujet apparemment pape, il est donc avéré qu'ils peuvent en être amenés à pouvoir et même devoirporter un jugement privé là-dessus.  

  Dans le même ordre d’idées, il n’est donné à aucun des simples fidèles et prêtres de se substituer à l’Eglise enseignante et de porter un (prétendu) jugement public contre les enseignements d’un présumé concile œcuménique : collégialité, œcuménisme, théologie d’Israël, liberté religieuse etc. ni pareil (prétendu) jugement à l’encontre d’un ordo missæ promulgué et maintenu par de présumés papes. Ce serait, de la même façon, mériter le blâme pour prétendre  "juger le pape".  

  Évidemment, ce n’est pas ce que font les "traditionalistes", qui ne prétendent certes pas porter un jugement autorisé et public à l’encontre de Vatican II et de la "nouvelle messe", mais simplement constater que les uns et les autres (Vatican II, "nouvelle messe" etc.) "s’éloignent considérablement"de la doctrine catholique et même de la foi catholique (si ce n’est de la foi divine !). Il ne s’agit là encore que de jugements privés revendiqués comme tels.  

  Donc ces "traditionalistes" ne méritent pas le blâme pour prétendre juger le "pape" ou "juger à la place du pape"…

à la condition toutefois qu’ils puissent juger. En effet, si le fait que Paul VI et successeurs ne sont pas papes n’est pas vrai et constatable, et si l’on ne se rend pas à cette conclusion (jugement privé), DE QUEL DROIT peut-on porter quelque jugement privé que ce soit à l’endroit de ce que Paul VI et successeurs ont promulgué ? 

  En effet, si Paul VI et successeurs sont bel et bien Papes, s’ils sont de surcroît regardés comme tels par nos "traditionalistes", ces derniers ne sont-ils pas en train de juger celui et ceux qu’ils regardent comme papes ?Ne sont-ils, pas de leur propre aveu, non seulement en train de juger objectivement le Pape, mais (encore plus grave car l’erreur de droit est incomparablement plus grave que l’erreur de fait) ne sont-ils pas en train de juger celui qu’ils regardent comme Pape ?  

  Dès lors qui sont vraiment les disciples de Luther, sinon ceux qui jugent ceux qu’ils regardent comme Papes ?  Car prétendre que l’on peut, tout en reconnaissant la légitimité du Pape en question, refuser de reconnaître et d'appliquer un concile œcuménique et des réformes liturgiques approuvés et promulgués par un vrai Pape, consiste bel et bien à donner raison à Luther ! En effet, n'est-ce pas lui  qui déclarait que :

« Il nous a été donné de pouvoir infirmer l’autorité des conciles, de contredire librement à leurs actes, de nous faire juge des actes qu’ils ont portés, et d’affirmer avec assurance tout ce qui nous paraît vrai; que cela soit approuvé ou réprouvé par n’importe quel concile. » (29° proposition de Luther)

  Cette proposition (que beaucoup de 'traditionalistes' [FSSPX, FSSP] adoptent pour soutenir leur position) fut, avec tant d'autres, réprouvée par Léon X (bulle Exsurge Domine, 16 mai 1520).

 En ce sens, seuls les "sédévacantistes" ont le droit de juger d’un jugement privé les enseignements de Vatican II et la "nouvelle liturgie". Les "sédéplénistes" d'obédience "lefebvriste" ou d'obédience "nantiste", par le fait même qu’ils portent de tels jugements à l’endroit du "concile" et de la "messe" de ceux qu’ils regardent comme papes se condamnent surtout eux-mêmes !

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