La crise des gilets jaunes, une conséquence d'un système condamné par l'Eglise
De nombreux commentateurs s'accordent pour expliquer que la crise actuelle dite des gilets jaunes s'explique avant tout par une terrible injustice sociale. Matraqués par toutes sortes de taxes, d'impôts, beaucoup ne s'en sortent plus, tandis qu'une certaine catégorie infime de la population, en lien avec les puissances financières, s'enrichit de jour en jour. Tout cela n'est que l'aboutissement d'un système qui a été fermement et admirablement condamné par la sainte Eglise catholique, Mère de sagesse.
Revenons quelques années en arrière, en mai 1931. Quarante ans après Rerum Novarum, le Pape Pie XI livrait au monde une autre encyclique remarquable: Quadragesimo Anno. Dans Rerum Novarum, Léon XIII avait signalé, sans la définir, "une usure dévorante sous une forme nouvelle" qui venait s’ajouter aux conditions inhumaines dont souffrait alors le monde ouvrier.
Dans Quadragesimo Anno, Pie XI semble bien avoir identifié cette usure dévorante à la dictature de l’argent et du crédit. Il dénonce cette domination de l’économie par les maîtres absolus de l’argent :
"Ce qui, à notre époque, frappe tout d’abord le regard, ce n’est pas seulement la concentration des richesses, mais encore l’accumulation d’une énorme puissance, d’un pouvoir économique discrétionnaire, aux mains d’un petit nombre d’hommes qui, d’ordinaire, ne sont pas les propriétaires, mais les simples dépositaires et gérants du capital qu’ils administrent à leur gré. Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l’argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent en quelque sorte le sang à l’organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que, sans leur consentement, nul ne peut plus respirer".
Il s'agit d'une conséquence du libéralisme économique :
"Cette concentration du pouvoir et des ressources, qui est comme le trait distinctif de l’économie contemporaine, est le fruit naturel d’une concurrence dont la liberté ne connaît pas de limites ; ceux-là seuls restent debout, qui sont les plus forts, ce qui souvent revient à dire, qui luttent avec le plus de violence, qui sont le moins gênés par les scrupules de conscience."
Une telle conception va entraîner comme résultat une dictature économique, le gouvernement se transformant en percepteur d’impôt :
"L’appât du gain a fait place à une ambition effrénée de dominer. Toute la vie économique est devenue horriblement dure, implacable, cruelle. A tout cela viennent s’ajouter les graves dommages qui résultent d’une fâcheuse confusion entre les fonctions et devoirs d’ordre politique et ceux d’ordre économique ; telle, pour n’en citer qu’un d’une extrême importance, la déchéance du pouvoir : lui qui devrait gouverner de haut, comme souverain et suprême arbitre, en toute impartialité et dans le seul intérêt du bien commun et de la justice, il est tombé au rang d’esclave et devenu le docile instrument de toutes les passions et de toutes les ambitions de l’intérêt. Dans l’ordre des relations internationales, de la même source sortent deux courants divers : c’est, d’une part, le nationalisme ou même l’impérialisme économique, de l’autre, non moins funeste et détestable, l’internationalisme ou impérialisme international de l’argent, pour lequel là où est l’avantage, là est la patrie."
Et Pie XI de se faire l'avocat des salariés :
"On n’épargnera donc aucun effort en vue d’assurer aux pères de famille une rétribution suffisamment abondante pour faire face aux charges normales du ménage. Si l’état présent de la vie industrielle ne permet pas toujours de satisfaire à cette exigence, la justice sociale commande que l’on procède sans délai à des réformes qui garantiront à l’ouvrier adulte un salaire répondant à ces conditions."
Il précise plus loin :
"L’objet naturel de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber."
Mais que l'on ne vienne pas accuser Pie XI de socialisme !
"Si le socialisme, comme toutes les erreurs, contient une part de vérité (ce que d’ailleurs les Souverains Pontifes n’ont jamais nié), il n’en reste pas moins qu’il repose sur une théorie de la société qui lui est propre et qui est inconciliable avec le christianisme authentique. Socialisme religieux, socialisme chrétien, sont des contradictions : personne ne peut être en même temps bon catholique et vrai socialiste. "
Tous les malheurs, injustices et violences de notre époque ne doit pas nous faire oublier que le plus grand désordre du présent régime économique, c'est la ruine des âmes :
"La plupart des hommes, en effet, sont presque exclusivement frappés par les bouleversements temporels, les désastres et les calamités terrestres. Mais à regarder ces choses comme il convient, du point de vue chrétien, qu’est-ce que tout cela comparé à la ruine des âmes ? Car il est exact de dire que telles sont, actuellement, les conditions de la vie économique et sociale, qu’un nombre très considérable d’hommes y trouvent les plus grandes difficultés pour opérer l’œuvre, seule nécessaire, de leur salut éternel."
Le Pape Pie XI rappelle également les causes de ce mal moderne :
"La déchristianisation de la vie sociale et économique et sa conséquence, l’apostasie des masses laborieuses, résultent des affections désordonnées de l’âme, triste suite du péché originel qui, ayant détruit l’harmonieux équilibre des facultés, dispose les hommes à l’entraînement facile des passions mauvaises et les incite violemment à mettre les biens périssables de ce monde au-dessus des biens durables de l’ordre surnaturel.
De là cette soif insatiable des richesses et des biens temporels qui, de tout temps sans doute, a poussé l’homme à violer la loi de Dieu et à fouler aux pieds les droits du prochain, mais qui, dans le régime économique moderne, expose la fragilité humaine à tomber beaucoup plus fréquemment.
L’instabilité de la situation économique et celle de l’organisme économique tout entier exigent de tous ceux qui y sont engagés la plus absorbante activité. Il en est résulté chez certains un tel endurcissement de la conscience que tous les moyens leur sont bons qui permettent d’accroître leurs profits et de défendre contre les brusques retours de la fortune les biens si péniblement acquis ; les gains si faciles qu’offre à tous l’anarchie des marchés attirent vers les fonctions de l’échange trop de gens dont le seul désir est de réaliser des bénéfices rapides par un travail insignifiant, et dont la spéculation effrénée fait monter et baisser incessamment tous les prix au gré de leur caprice et de leur avidité, déjouant par là les sages prévisions de la production."
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